Dans le monde de l’haptique, il y a les rêveurs qui imaginent des mondes virtuels où l’on peut tout sentir, et il y a les ingénieurs qui, patiemment, essaient de faire fonctionner un « clic » de manière fiable sur un écran de voiture. Vincent Lévesque est ce pont rare entre les deux.
Professeur à l’École de technologie supérieure (ÉTS) de Montréal, il est l’un des esprits les plus influents du Canada dans notre domaine. Et comme le titre d’un récent article de l’ÉTS le proclame, sa mission est claire : faire de l’haptique « un incontournable des interfaces humain-machine ».
Il ne s’agit plus d’un gadget. Il s’agit d’une nécessité.
Le Parcours : La Double Compétence (Recherche et Industrie)
On ne devient pas un expert en haptique par hasard. Le parcours de Vincent Lévesque est, à mon sens, le parcours idéal.
Il possède d’abord une fondation académique de classe mondiale, avec un doctorat de l’Université de la Colombie-Britannique (UBC), un pôle d’excellence reconnu pour l’interaction humain-machine. Sa thèse portait déjà sur le cœur du problème : le guidage haptique et le retour tactile.
Mais c’est la suite qui fait toute la différence. Avant de rejoindre l’ÉTS, Vincent Lévesque a passé plusieurs années chez Immersion Canada.
En tant qu’expert, laissez-moi vous dire ce que cela signifie. Immersion Corporation est l’entreprise fondatrice de l’haptique moderne. C’est elle qui détient une part massive des brevets fondamentaux sur la vibration, le retour de force, etc. Travailler chez Immersion, ce n’est pas seulement faire de la R&D ; c’est apprendre l’haptique dans les tranchées. C’est là qu’on apprend les contraintes du réel : la latence, la consommation d’énergie, le coût de production et, surtout, ce qui fonctionne pour un utilisateur.
Sa Mission à l’ÉTS : Le Laboratoire LIRTI
Aujourd’hui, Vincent Lévesque est Professeur au Département de génie logiciel et des technologies de l’information à l’ÉTS.
Plus important encore, il est le directeur et fondateur du LIRTI : le Laboratoire d’interactions et de rétroaction tangibles et intelligentes.
Le nom de son laboratoire est un manifeste à lui seul.
- Tangibles : Il rend le numérique « touchable ».
- Intelligentes : Son haptique n’est pas « stupide » (une vibration, toujours la même). Elle est contextuelle, adaptative, probablement aidée par l’IA.
Ses travaux et ceux de son laboratoire s’attaquent aux problèmes les plus concrets de l’haptique :
- Les écrans tactiles : Comment simuler la texture d’un tissu sur un écran de verre ? Comment créer un « clic » si convaincant que vous n’avez plus besoin de regarder ?
- L’automobile : Comment utiliser le volant ou le siège pour communiquer une alerte de sécurité de manière intuitive ?
- La Réalité Virtuelle/Augmentée : Comment interagir avec des objets virtuels de manière crédible ?
- Le guidage haptique : Comment utiliser le toucher pour « guider » la main d’un utilisateur, que ce soit pour apprendre un geste médical ou pour l’assister dans une tâche complexe ?
Sa Vision : L’Haptique comme « Incontournable »
Comme le souligne l’article de l’ÉTS, pour Vincent Lévesque, l’haptique n’est plus une option. C’est une nécessité fondamentale pour l’avenir des interfaces.
Sa vision est pragmatique et puissante. L’haptique est essentielle car :
- Elle confirme l’action : Le petit « clic » que vous ressentez sur votre smartphone n’est pas un gadget. C’est une confirmation qui dit à votre cerveau « action reçue ». Cela bâtit la confiance et augmente drastiquement l’efficacité.
- Elle réduit la charge cognitive : C’est le point le plus important. Pensez à l’automobile. Si vous devez quitter la route des yeux pour vérifier que vous avez bien appuyé sur le bon bouton de votre écran tactile, vous êtes en danger. Si vous sentez le bouton sous votre doigt (grâce à l’haptique de surface) ou si vous sentez un « clic » de confirmation, vos yeux restent sur la route. L’haptique, ici, est un outil de sécurité.
- Elle crée l’immersion : Dans le jeu ou la VR, le toucher est le dernier verrou à faire sauter pour que notre cerveau accepte la réalité de l’environnement virtuel.
En conclusion, mon avis d’expert est simple : Vincent Lévesque est un pilier de l’industrie. Placé à Montréal, au carrefour mondial du jeu vidéo, de l’IA et de l’aérospatiale, son travail au LIRTI est crucial. Il ne fait pas de la science-fiction ; il construit les briques fiables, intelligentes et industrialisables dont tout cet écosystème a besoin pour rendre, enfin, le futur tangible.
